« Ils voulaient en finir avec le système asilaire et transformer les pratiques de soin. » Il y a l’art et la manière, ils étaient en désaccord avec la manière de faire. Dans un même élan de transformation du milieu asilaire, nous parlons « une même langue », autonomie, autogestion, hospitalité, justice sociale, collectif, hiérarchie horizontale…Basaglia voulait détruire les murs de l’hôpital psychiatrique en promulguant la loi 180 (loi italienne de 1978). Cette loi plaide pour la fermeture de tous les hôpitaux psychiatriques et conduit à leur remplacement progressif de toute une gamme de services communautaires.

Tosquelles, puis Oury, ont une vision différente de la désaliénation, pour eux, l’enjeu est de soigner l’hôpital psychiatrique. C’est dans cette effervescence de l’après-guerre et de la résistance organisée à Saint-Alban en Lozère que fut mise en acte la psychothérapie institutionnelle. Tosquelles ayant connu le camp de concentration fait un parallèle avec la psychiatrie aliéniste. Ce mouvement veut sortir la psychiatrie des murs de l’asile.

Au sortir de la guerre, à la demande du docteur Georges Daumezon, les Ceméa vont contribuer par la formation des infirmier.ère.s, par le biais des méthodes actives, de la prise en compte du collectif, de la dynamique des groupes à accompagner la transformation du système asilaire.

En décembre 2022, notre petite délégation cémeatique est à Liège, nous sommes accueillis par différents collectifs de soin. Des collectifs citoyens, c’est-à-dire inscrits dans la cité. L’hospitalité des personnes en souffrance y est inconditionnelle. Nous rencontrons des professionnel.le.s qui ne sont pas obligatoirement des professionnel.le.s de la santé mais des professionnel.le.s du « prendre soin ».

Le statut ne prévalant pas sur la fonction soignante. Comme Jean Oury le rappelle, nous devons nous interroger sans cesse sur nos statuts, rôles et fonctions pour ne pas s’identifier à notre statut. Dans les différents collectifs liégeois qui nous ont accueilli les médiations sont reines, beaucoup d’artistes proposent leur art comme une possible rencontre, l’art de vivre ensemble dans la cité. Comme le disait Fernand Deligny, on ne sait pas ce qui va accrocher entre deux êtres mais proposons suffisamment de terrains d’aventure pour que la rencontre humaine soit possible. La diversité des lieux, des accueils, des médiations est très importante pour accueillir la diversité de l’humain. Que ce soit le collectif contre les violences familiales et l’exclusion, Revers, Vole au-dessus, Centre Franco Basaglia, la Compagnie Barricade, le groupement territorial en santé mentale à Seraing et les maisons médicales, ils réseautent entre eux. Une vraie transversalité au sens de Felix Guattari. La bataille des idées est nécessaire pour créer. La fraternité et la solidarité ne sont pas des mots vains, la résistance non plus.

La psychiatrie en France se délite et la souffrance des soignant.e.s n’est plus à prouver.

La rencontre avec nos ami.e.s belges nous a donné un peu de baume au cœur.

Merci à eux, à elles.

Pascale Guichet, décembre 2022.