Focus par Joëlle Bordet, chercheuse psychosociologue

Par l’écriture de lettres et la lecture filmée de leur correspondance, 80 jeunes du monde ont pu échanger sur leur vécu de la pandémie. Confinés, isolés, ils ont malgré tout créé du lien à travers les écrans et l’écriture, au-delà des frontières et des contraintes. Ce projet épistolaire, issu du réseau de recherche-intervention « Jeunes, inégalités sociales et périphéries », va même donner lieu à d’autres créations artistiques.

« NOUS SOMMES LA GÉNÉRATION COVID »

Le confinement du printemps 2020, en France, a provoqué une situation caractérisée par l’immobilité, voire l’enfermement. Mais les membres du réseau de recherche-intervention « Jeunes, inégalités sociales et périphéries » n’ont pas souhaité s’y résoudre. Au contraire, cette période a été l’occasion de créer des mouvements de création, d’échanges, de liens, en prenant en compte les contraintes existantes. Le psychologue et comédien Serge Nail a en effet proposé d’établir des correspondances entre les jeunes âgés de 16 à 25 ans, habitant les différents pays impliqués dans le réseau. Pourquoi choisir l’art de la correspondance ? Parce que l’écriture, puis la lecture à l’autre, permettent « de se parler à soi-même en parlant à l’autre, aux autres », et favorisent ainsi les processus de symbolisation et de création.

Ce projet a été très bien accueilli par les jeunes. Nombre d’entre eux n’avaient jamais écrit une lettre à un correspondant étranger. Ils y ont trouvé le plaisir inattendu de l’adresse à l’autre, à l’instar de ce jeune Sénégalais écrivant à un jeune Ukrainien : « Mon frère, nous sommes la génération Covid. C’est nous qui allons faire le monde ».

DES LETTRES DE 80 JEUNES DU MONDE LUES EN VIDÉO

Quatre-vingt jeunes de différents pays se sont ainsi adressé des lettres, d’abord traduites dans la langue du destinataire, puis lues à voix haute par les destinataires dans leur propre langue, face caméra. Le respect de la langue de l’autre est en effet l’un des objets de travail de ce réseau. Aujourd’hui, ces lettres sont au cœur de lectures internationales, et servent de support à de nouvelles créations artistiques, en particulier musicales. Les membres du réseau espèrent pouvoir les partager ensemble prochainement, lors d’un séminaire international qui réunirait tous les jeunes impliqués dans ces correspondances. Car l’écriture de ces lettres entre jeunes des quatre coins du monde, tous concernés par la pandémie de COVID-19, est finalement une façon originale de vivre la mondialisation.

LE RÉSEAU « JEUNES, INÉGALITÉS SOCIALES ET PÉRIPHÉRIES »

Ce projet est né de la dynamique du réseau de recherche-intervention « Jeunes, inégalités sociales et périphéries ». Créé en 2008 par Joëlle Bordet, directrice de recherche au Centre scientifique et technique du bâtiment, le réseau est constitué de chercheurs, d’artistes et de pédagogues issus de 9 pays (Brésil, Ukraine, Sénégal, Russie, Italie, Portugal, Israël, Palestine et France, dont l’île de Mayotte). Dans ce cadre, les membres du réseau organisent des séminaires internationaux avec des jeunes des quartiers populaires de ces différents pays. La recherche-intervention qu’ils mènent actuellement s’intitule « De la colère à la démocratie ». Ces travaux, partie prenante de l’Éducation populaire, sont partagés et valorisés par les Ceméa (Centre d’entraînement aux méthodes d’éducation active).

Pour retrouver l’ensemble des vidéos c’est ici https://videos.cemea.org/video-channels/jisp/videos

Pour retrouver les correspondances écrites, c’est ici : http://ln.cemea.org/correspondances