A Florence il n’existe qu’une seule association qui accueille des femmes victimes de violences conjugales : il s’agit du centre anti violence ARTEMISIA. Nous avons eu le plaisir de rencontrer une des administratrices au siège de l’association lors de notre séjour. Nous la remercions pour cet échange riche en émotion, en partage d’expérience et de pratique.
A Florence, une ville de 400 000 habitants, l’association ne dispose que de « deux maisons secrètes » pour héberger des femmes avec leurs enfants : cela représente environ seulement 25 à 35 femmes par an en situation de grand danger qui peuvent trouver refuge pour une durée limitée à 6 mois.
L’administratrice insiste sur la dimension du « secret » : elle ignore, elle-même, la localisation de ces deux résidences afin d’assurer la plus grande sécurité à ces femmes.
Elle retrace également leur parcours du combattant : de l’activation de « code rouge » au commissariat qui permet l’intervention rapide des forces de l’ordre au domicile, au « code rose » aux urgences hospitalières afin que les femmes puissent être orientées vers des psychologues puis vers l’association.
L’administratrice précise que l’accueil dans ces maisons secrètes se fait à condition que les femmes acceptent également de « disparaitre » elles-mêmes pour leur sécurité : il s’agit véritablement d’une exfiltration. Elle précise d’ailleurs que l’association bénéficie pour cela d’une convention avec le commissariat « pour avoir l’autorisation de faire disparaitre des personnes ». Les femmes et leurs enfants quittent leur domicile avec le minimum d’effets personnels sans prévenir leurs proches, leur mère, leurs amis : c’est encore aujourd’hui la double peine.
« Maison secrète, code rouge, disparition », un vocable digne des romans d’espionnage… pourtant l’ambiance n’est malheureusement pas romanesque mais bien la vie réelle « Les meilleurs crimes sont domestiques » disait Alfred HICHCOCK. Car il s’agit bien de cela : des femmes qui luttent et des institutions, des pouvoirs publics qui tentent de les protéger de la violence de leur conjoint.
L’association ARTEMISIA emploi des psychologues et des éducatrices spécialisées pour accompagner les femmes et leurs enfants dans leurs parcours de reconstruction. Elle souhaiterait aujourd’hui ouvrir des maisons de 2ème niveau, c’est-à-dire à bas seuil de risque comme les centres de réinsertion sociale qui peuvent exister ailleurs en Italie pour aider les femmes lorsque le danger immédiat est écarté. Néanmoins ses actions sont pour la majeure partie financées par des dons privés et l’association manque cruellement de moyen. Elle évoque ainsi de fortes disparités entre région comme nous pouvons aussi le constater en France entre zone rurale et zone urbaine. C’est également toujours le manque de place d’accueil qui est saisissant aussi bien en Italie qu’en France. Echapper aux violences signifie encore aujourd’hui le plus souvent quitter le domicile conjugale, ainsi l’ouverture des centres d’hébergement reste toujours une priorité portée par les associations féministes.
Lorsque nous avons évoqué les mobilisations féministes actuelles, il a été souligné l’importance de la prise de conscience du phénomène en Italie mais pour autant les moyens alloués aux associations diminues. Dans ce domaine tout particulièrement, et parce que la violence tue et que l’inertie est coupable, l’administratrice a rappelé avec émotion qu’à la création de la première maison il y avait la prise de conscience « qu’il fallait non plus seulement protester mais il fallait les sortir de là ».
Louise MIRAGLIESE