Développement local : à partir de la présentation de Nuno Wemans

Cette présentation nous a permis d’appréhender les modalités de co-gouvernance d’un territoire. Sans s’ériger en modèle transposable en l’état, la présentation a été l’occasion de nous intéresser aux stratégies mises en œuvre pour répondre à des enjeux locaux.

En effet, la gouvernance actuellement mise en place dans le secteur lisboète de Vale de Chelas (station Olaias) tend à faire émerger chez les habitants des capacités à agir pour faire vivre et améliorer leur quartier. La démarche initiée a pour ambition de « mettre autour de la table » les différents acteurs clés du territoire (mairie d’arrondissement, mairie de Lisbonne, associations), d’associer les habitants dans les choix effectués pour changer leur lieu de vie et les accompagner vers une forme d’autonomie leur permettant d’inscrire cette dynamique dans la durée.

Le processus engagé puise ses sources dans l’histoire du quartier, interrogeant ainsi la tension pouvant exister entre l’espace vécu – celui du bidonville de Curraleira parmi les plus grands de Lisbonne voire d’Europe – et les choix politiques opérés.

Curraleiras

Dans la perspective de l’exposition universelle de Lisbonne de 1998, les pouvoirs publics ont souhaité montrer au monde une ville dynamique. Pour ce faire, la décision avait été prise de développer et dynamiser le quartier Olivais (gare do Oriente), situé à l’Est de la ville, considéré à l’époque comme une zone de relégation marquée par de multiples pollutions et laissée depuis longtemps à l’abandon. Pour rejoindre ce nouveau quartier fraichement sorti de terre, une nouvelle ligne de métro, la rouge, relie le centre historique à l’aéroport, en passant par l’arrêt Olaias où se situe le quartier issu du découpage du bidonville de Curraleira en quatre quartiers prioritaires (Rua ASR, Bairro branco, Horizonte, Lavrado). Le processus de mise en place de cette nouvelle politique publique des Bairrios et Zonas Intervenção Prioritária (BIP/ZIP) se met rapidement en route à compter de 2001 dans le cadre d’un programme trinennale avec un financé uniquement au cours de la première année. Dans cette nouvelle logique les pouvoirs publics considèrent de fait ce quartier autrement. L’enjeu du côté des habitants est de favoriser leur réappropriation du territoire car ils n’ont pas été pris en considération et/ou consultés dans les choix arrêtés ayant pourtant des conséquences directes sur leur quotidien. Décisions rompant l’esprit de la communauté en imposant de nouvelles habitudes de déplacements dans le quartier et dans l’espace bâti (recourir aux supermarchés et non plus au marché communautaire, prendre l’ascenseur dans son immeuble), ou encore utilisant des méthodes et de matériaux de construction peu durables.  

Il conviendra donc d’adopter une toute autre stratégie à l’échelle locale permettant de redonner le pouvoir d’agir aux habitants frappés rapidement en 2008 de plein fouet par les conséquences de la crise économique entrainant une fragilisation accrue de leur situation socio-économique.  

La culture associative occupe une place originale dans la société portugaise : d’une part, s’y référer spontanément au quotidien ne va pas de soi pour la population (regardant même parfois les associations avec méfiance) ; d’autre part, dans leur fonctionnement les associations s’appuient sur une logique de programmes et de projets forte afin de bénéficier de subventions. Compte-tenu de la nouvelle physionomie aujourd’hui du quartier, les actions envisagées en faveur des habitants et de leur cadre de vie se doivent d’être pensées dans la durée ; la présentation de projets en réseaux constitue alors un gage de réussite.

Pour lancer des actions efficaces en ce sens, il apparaissait nécessaire de créer un maillage partenarial en réseau fort. Une belle occasion pour le Clube qui intègre le bureau d’intervention prioritaire du BIP/ZIP du quartier d’illustrer les valeurs qui lui sont chères en actes ; à savoir travailler en équipes multidisciplinaires, multiculturelles, faire preuve de solidarité et de respect. Le leitmotiv dans la relation créée avec la communauté d’habitants est alors de faire en sorte de soutenir cette communauté en suscitant ses initiatives et non que cette communauté soutienne l’association. Le rôle actif du Clube vise à apporter des réponses face à l’enclavement du quartier, en faire un quartier inclus à la ville et non à la marge, donner une image positive du quartier et non plus celle liée à la misère, la violence, la drogue.

Le plus grand bidonville de Lisbonne

En redonnant le pouvoir d’agir aux communautés d’habitants en ayant recourt à des méthodes participatives, l’action du Clube a pour ambition de changer de modèle en dépassant la simple charité (souvent liée à une institution religieuse) présentée comme une réponse rapide à un besoin immédiat laissant peu d’espace pour aller plus loin dans l’accompagnement et la réappropriation du territoire. Cette ambition est vue comme un processus graduel qui demande du temps afin d’aboutir à un centre de développement local vu comme l’épicentre des actions qui pourront être menées à terme au sein du quartier, par les habitants, en faveur de leur espace de vie ; nécessitant une vision stratégique prenant en compte les besoins, les opportunités en évitant les « fausses participations » des publics concernés, l’identification des partenaires mobilisables, et en appréhendant les particularités du territoire.