Casa del fico, venerdi 31 marzo

Ultimo giorno !

Ce que je retiens de la journée d’hier…

La conception du handicap et le regard porté sur les personnes porteuses de handicap.

La notion de vulnérabilité.

Un pédagogue italien : Loris Malaguzzi.

Le matin, nous avons visité un lieu dédié à des personnes en situation de handicap, des personnes « diversement habiles ».

Edoardo, le responsable du lieu, nous a parlé d’un projet étonnant.

Les jeunes accueillis ont fabriqué des marionnettes et un petit théâtre pour raconter des histoires.

Les élèves des écoles environnantes sont venus assister au spectacle sur place et une structure mobile est en cours de fabrication pour que des représentations puissent être données à l’extérieur.

Parallèlement à cette activité, les jeunes qui ont appris à fabriquer des marionnettes vont dans les écoles pour animer des ateliers de créations de marionnettes. Ce qui signifie que les enfants vont travailler directement avec ces personnes en situation de handicap et vont apprendre grâce à elles.

Ce que je trouve fantastique c’est ce changement de regard qui représente, au moins pour moi, une petite révolution : la personne en situation de handicap sait faire des choses et elle peut transmettre ses compétences à des personnes qui ne sont pas en situation de handicap.

Et le fait que cette transmission ait lieu dans les écoles permet que les enfants n’aient pas (ou moins) de préjugés sur les personnes « diversement habiles », qu’ils constatent qu’on peut travailler avec elles comme avec tout le monde.

Donc d’une part, il y a cette barrière entre les « habiles » et les « diversements habiles » qui s’efface et c’est un soulagement, un monde qui s’ouvre et s’enrichit ; et d’autre part, il y a la notion de vulnérabilité.

En effet, quelque soit notre degré d’« habilité » nous sommes tous des personnes avec exactement les mêmes droits et les mêmes besoins, mais certains d’entre nous sont plus fragiles.

C’est la notion de vulnérabilité.

Les personnes plus vulnérables peuvent l’être pour diverses raisons : un handicap, une situation économique et sociale, l’âge très avancé…

Nous avons visité un autre lieu, la Polveriera dont un des objectifs est l’accueil et l’accompagnement des personnes plus vulnérables, toujours avec l’idée de leur permettre d’exploiter leurs compétences, de les aider à devenir les plus autonomes possibles.

C’est un projet très humain, presque une utopie. On retrouve les principes de la classe coopérative mais en dehors de l’école. On s’entraide, on monte des projets, on se réunit, on a un lieu ouvert sur le quartier, on permet la création de liens entre les personnes…

Pendant que nous buvions le café, des « vieilles dames » sont arrivées : tous les jeudis, elles se réunissent et parlent de leurs lectures, font des activités ensemble. Elles sont toutes du quartier mais ne se connaissaient pas auparavant. Ce lieu leur a donné la possibilité de créer de nouveaux liens, peut-être de sortir de la solitude, de leur changer les idées… Et ce n’est pas rien. L’isolement est source de nombreux maux psychologiques et physiques.

J’ai aussi découvert Loris Malaguzzi, un pédagogue italien dont je n’avais jamais entendu parlé bien qu’il soit apparemment de renommée internationale. Nous avons fait une rapide visite du centro Loris Malaguzzi. Il est à l’origine d’écoles maternelles autogérées.

Sa pédaogie se base sur les principes suivants :

– Questionnements et expérimentations.

– Développement la curiosité

– Importance de l’expression artistique dès le plus jeune âge.

Les enfants, de 0 à 6 ans, évoluent dans un milieu très riche, très stimulant et sont accompagnés par des « ateliéristes » dont le rôle est d’accompagner leurs recherches. Il n’y a pas de consignes : on regarde le matériel à disposition, on le touche, on se pose des questions, on fait des hypothèses, on les vérifie, on expérimente, cela nous amène à d’autres questions… Ainsi les enfants sont actifs et impliqués dans leurs apprentissages.

C’est une pédagogie qui implique l’autodétermination et l’émancipation. En travaillant dans cet esprit, on permet aux enfants de devenir eux-mêmes.

Alors, certes, cette pédagogie concerne les 0-6 ans et tous les petits italiens n’en bénéficient pas. Mais elle existe et elle peut nous inspirer.

Ce qui est très intéressant dans tout ce que nous avons vu c’est le lien très fort entre la philosophie et la pratique de terrain. Tous les professionnels que nous avons rencontré savent parfaitement ce qu’ils font et pourquoi.

Un groupe de jeunes en situation de handicap qui fabriquent des marionnettes, des mamies qui se retrouvent pour parler de livres tous les jeudis et des enfants qui jouent avec de l’argile, ça n’a l’air de rien. Et pourtant, ce sont des réalités portées par une pensée philosophique et politique quasi révolutionnaire et surtout très humaine.

Sylvie Choisnet