Est-ce lié à l’histoire du Portugal, à sa culture ? A l’impact de la crise économique de 2010, au contexte politique actuel ? S’agit-il d’influences du travail social communautaire anglo-saxon ou de la pédagogie des opprimés de Paolo Freire. Y-a-t-il une volonté de s’inscrire dans les programmes européens ? Peut-être tout cela à la fois… Quoiqu’il en soit, la participation des publics est fortement présente ici. Inscrite dans les politiques publiques qui nous sont présentées, mais surtout portée et mise en œuvre au quotidien par les acteurs que nous avons rencontrés. Capacitar peut-on lire sur les affiches du Clube qui nous reçoit. Capacitar, « rendre capable, donner les moyens de », une belle perspective à ramener dans nos valises.
Citons le programme Escolhas, développé par le Haut Commissariat aux migrations rencontré au début de notre séjour. Ce programme co-financé par l’Etat et les fonds européens, vise la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations, et s’adresse plus particulièrement aux enfants et jeunes les plus vulnérables, descendants de migrants, migrants, Roms, habitants de territoires fragilisés…. Les projets qu’il soutient doivent obligatoirement s’appuyer sur la participation des personnes dans sa mise en œuvre, et en amont, dans son élaboration. Les jeunes concernés doivent être consultés, conduire eux-mêmes les enquêtes ou diagnostics qui nourrissent la construction des projets.
Le pilotage de ces projets, qui associe en consortium, au moins quatre partenaires (école, entreprise, association culturelle, centre médico-social, …) s’appuie sur l’assemblée des jeunes, réunie a minima tous les deux mois, pour suivre, évaluer les actions mises en œuvre, faire des propositions.
Tous les projets doivent recruter un habitant du quartier concerné, ou proche de celui-ci, sur un poste d’animateur ou de médiateur. Agé de moins de 30 ans, il s’engage pendant la durée de son contrat de 3 ans à poursuivre ses études, pour atteindre au minimum le baccalauréat. Chacun des projets soutenu par le programme Escolhas met en place un dinamizadore comunitario (en français dynamisateur communautaire), qui contribue à sa mise en œuvre. A la participation des personnes à un projet qui les concerne, le programme allie la formation, l’emploi et surtout la valorisation de leur potentiel, le développement de leurs compétences personnelles, relationnelles. Ces jeunes ne sont pas seulement les cibles du projet mais ses ressources. Car ces projets ne visent pas seulement pas les individus mais le « changement au sein de la communauté et de la société », comme l’indique le Clube dans sa présentation.
Capacitar, « rendre capable » les personnes et/avec la communauté, en leur « donnant les moyens de». Ainsi le Clube, nous explique José Brito-Soares, son directeur, est centré sur un territoire, s’inscrit dans les réseaux de ses acteurs : écoles, entreprises, associations culturelles, mais également associations de résidents, formelles ou informelles, relations sociales au sein du quartier. Il s’agit pour le Clube de » soutenir les leaderships locaux », pour « soutenir la communauté », afin que les initiatives soient de plus en plus fortement portées par les habitants du quartier. Les assemblées communautaires, qui réunissent ces leaders, les animateurs et « dynamisateurs communautaires », et des habitants sont un des espaces de construction de cette participation
On pourrait citer d’autres actions, et notamment les Projets d’Intervention Communautaire. Présentés par les habitants du quartier devant l’Assemblée communautaire et les acteurs institutionnels locaux, ces projets, s’ils sont validés, reçoivent immédiatement un financement de 1 000 à 5 000 euros, suivi par le Clube.
Autant d’actions qui nous interpellent, nous invitent à questionner nos pratiques et à poursuivre les échanges avec les acteurs rencontrés afin de mieux comprendre le contexte dans lequel s’inscrivent ces actions pour en identifier les ressorts et processus transposables ailleurs, en France. Un voyage qui continue.
Isabelle Monforte
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